LE 27 MAI 2024 – 4 min
La Navette de Cornouaille, créée par une association, assure les trajets domicile-travail
dans la région. Une solution de mobilité plus écologique et économique, qui profite aux
salariés comme aux entreprises.
Par Héloïse Leussier (url:/users/heloise-leussier)
Ses petits fourgons électriques blancs sillonnent les alentours de Quimper depuis bientôt deux
ans. La Navette de Cornouaille est un service de transport domicile-travail à la demande,
singulier en France. Huit chauffeurs, salariés en insertion, assurent le transport des travailleurs
d’une trentaine d’entreprises, principalement dans le secteur de l’agroalimentaire et situées dans
des zones industrielles.
Les entreprises règlent 3 euros (HT) par salarié par trajet et les salariés 1,50 euro (TTC) par
trajet. Le service fonctionne 24h/24h, du lundi au samedi, et jusqu’à 20 kilomètres autour
Quimper. À l’origine de ce projet : Mobil’emploi, une association qui se mobilise pour l’emploi et
la mobilité depuis une vingtaine d’années dans le Pays de Cornouaille et en centre-ouest
Bretagne.
« Mobil’emploi propose des solutions de transport à la demande pour les publics précaires
. À partir du début des années 2020, de plus en plus de personnes, dont des salariés
en CDI, se sont mises à solliciter ces services », raconte Céline Laurent, gestionnaire de La Navette
de Cornouaille, auparavant salariée de Mobil’emploi.
« Cela nous a amenés à imaginer un service de transports dédié aux salariés, par le biais d’une
nouvelle association. » Des subventions publiques , obtenues à la suite d’appels à
projet, ont permis de tester et de lancer le dispositif.
Horaires atypiques
« La Navette est un moyen pour les entreprises de fidéliser leurs salariés et d’augmenter leur
attractivité, explique Céline Laurent. Grâce à ce service, certains intérimaires sont désormais en
CDI. »
Pour les salariés, utiliser ce service plutôt que sa voiture personnelle est un moyen de « gagner en
pouvoir d’achat », en cette période de tarifs élevés du carburant, auxquels s’ajoute le coût
d’entretien des véhicules. La solution permet aussi de se libérer du stress de la conduite tout en
passant un moment convivial avec ses collègues.
Une grande partie des utilisateurs de la Navette travaillent en rotation sur des horaires de nuit ou
tôt le matin, qui ne permettent pas d’utiliser les transports en commun. C’est d’ailleurs sur ces
horaires atypiques que la navette est la plus sollicitée.
Sur les créneaux où la demande est moindre, la Navette assure du transport d’utilité
sociale (TUS) en zone rurale, en partenariat avec des collectivités. Ce service vise à faciliter les
déplacements du quotidien (courses, rendez-vous médicaux, etc.) pour les personnes ne
disposant pas de solution de mobilité.
Après un démarrage en douceur, le dispositif a pris son rythme de croisière. « Les véhicules sont
bien remplis. Nous comptons embaucher plus de chauffeurs », se réjouit Céline Laurent. Entreprise
d’insertion, la Navette recrute des personnes auparavant éloignées de l’emploi, auxquelles elle
propose un travail et un accompagnement. Elle perçoit, pour le salaire de ces derniers, une aide
de l’Etat .
Prise de conscience des employeurs
« Nous sommes beaucoup sollicités par des collectivités et associations d’autres régions qui aimeraient
répliquer notre modèle », rapporte la gestionnaire. Il n’a d’ailleurs pas été simple de trouver un
moment pour échanger : « Nos plannings sont pleins. »
Si la Navette de Cornouaille fonctionne, c’est justement parce que les entreprises du territoire
ont compris l’intérêt d’investir dans une solution de mobilité pour leurs salariés. Or, sur ce plan,
beaucoup reste à faire à l’échelle nationale, estime Francis Demoz, délégué général du
Laboratoire de la mobilité inclusive, placé sous l’égide de la Fondation agir contre
l’exclusion (Face) :
« Il y a un enjeu de prise de conscience des employeurs. Une personne en insertion sur deux a déjà
refusé un emploi en raison de problèmes de mobilité. 60 % des salariés ont un site de leur
entreprise plus près de chez eux que là où ils travaillent. Mais les entreprises ont du mal à faire le
lien entre mobilité et frein à l’emploi. »
Elles ont pourtant tout intérêt à se pencher sur cette question. « Les solutions de covoiturage ou de
navettes créent de la valeur économique, de la valeur écologique et du lien social. »
La loi d’orientation des mobilités de 2019 oblige toute entreprise de plus de 50 salariés à mettre
en place un plan de mobilité qui favorise les transports durables : transports en commun,
covoiturage, vélo, etc.
Les régions, quant à elles, doivent assurer la mise en place de plans d’action en faveur de la
mobilité solidaire (Pams) à destination des plus précaires, à l’échelle de chaque bassin de
mobilité. On ne peut qu’espérer voir ces dispositifs légaux faire émerger de nouvelles « navettes »
ailleurs qu’en Cornouaille.